• Trajet en ferry

  • 2023/12/19
  • 再生時間: 6 分
  • ポッドキャスト

  • サマリー

  • Des transports, nous en avons pris. Des trains, beaucoup, quelques bus, un scooter, nos pieds, bien-sûr, mais aussi des bateaux. Plus précisément, des ferrys.

    Entre Lavrio et Kea. Entre Patras et Bari. Entre Livourne et Bastia. Entre Porto Vecchio et Toulon.

    Et il faut s’imaginer la sociologie étonnante de ces trajets, les bruits qu’ils renferment, la topographie des lieux, des usages, des occupations qui les animent.


    La grande porte à la poupe qui se referme, cadenassant nos libertés vis à vis de la terre ferme pour quelques heures. Entre Patras et Bari, dix sept, précisément, de quoi trouver que le temps est plus lent en certains endroits que d’autres.

    Il y a la dispute des premiers emplacements de matelas gonflables, des banquettes des aux salons, des fauteuils aux cafés, des prises électriques, des chaises-longues sur la terrasse à ciel ouvert, soufflée par les bourrasques une fois le bateau lancé au large, enrubannée dans un fin voile de fumée odorante dispersé par les cheminées. 

    Dans ces trajets, on enchaîne les balades sans but pour se captiver de la ville intérieure. Passer la porte coupe vent, pénétrer dans la grande carcasse métallique et climatisée du monstre. 

    Cliquetis de couverts et de batteries de vaisselle aux restaurants en self service. Bruits de l’impolitesse des téléphones et des ordinateurs en haut parleurs. Il faut le dire, ces gens là méritent de la prison ferme. 

    Se décevoir devant la boutique des souvenirs.  Longer les couloirs numérotés des chambres, apprivoiser l’odeur étonnante de la moquette usée, du linge propre et des matériaux en préfabriqué. 

    Se perdre, changer d’étage, chercher une vue, un horizon s’il vous plaît.

    Sur la terrasse, passé un stand de hot dog, piscine trouble dans laquelle les enfants s’égouttent ou font pipi. 

    Le soleil d’été ne laisse personne à l’abri. Finalement, au long terme, peut-être vaut-il mieux se battre pour un fauteuil qu’une chaise-longue. Mais perchés 20 mètres au-dessus des eaux, le nez dans le vent, accrochés aux barrières qui nous séparent des canaux de sauvetage, on contemple la vaste mer qui s’étend, sans fin. Le vide, les vagues sombres, la courbe des écumes qui se cogne contre la tôle du bateau, ça nous attire. Si l’on plongeait, pour voir ? Ça doit être beau, l’immensité bleue à perte de repères. 

    L’odeur du tabac à rouler nous éveille. Un vieux bonhomme vient souffler à l’allure son vieux cigarillo. Des jeunes sifflent des bières. On s’assoit, on prend un jeu d’otello, petites pièces noires et blanches, comme l’océan mélangé. Plus tard, on prendra des frites au self, une pietra au comptoir. Sortir un bouquin, regarder un film, le duvet sur la moquette d’une autre décennie. Tout est cheap. Mais il y a la madeleine de Proust de l’enfance. Monter dans un ferry pour la corse, la promesse des retrouvailles avec la famille en août. Des bagnoles colorées qui montent, les gens qui descendent, avec des glacières et des sacs à dos. Mêmes souvenirs. Mêmes déplacements. Mêmes clichés. Le temps a fait pause, rien n’a changé. Un jour peut-être, les bateaux seront électriques, ce sera mieux. Mais ils feront moins de bruit. Et de ces trajets pourtant, c’est leurs bruits que je préfère. 


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あらすじ・解説

Des transports, nous en avons pris. Des trains, beaucoup, quelques bus, un scooter, nos pieds, bien-sûr, mais aussi des bateaux. Plus précisément, des ferrys.

Entre Lavrio et Kea. Entre Patras et Bari. Entre Livourne et Bastia. Entre Porto Vecchio et Toulon.

Et il faut s’imaginer la sociologie étonnante de ces trajets, les bruits qu’ils renferment, la topographie des lieux, des usages, des occupations qui les animent.


La grande porte à la poupe qui se referme, cadenassant nos libertés vis à vis de la terre ferme pour quelques heures. Entre Patras et Bari, dix sept, précisément, de quoi trouver que le temps est plus lent en certains endroits que d’autres.

Il y a la dispute des premiers emplacements de matelas gonflables, des banquettes des aux salons, des fauteuils aux cafés, des prises électriques, des chaises-longues sur la terrasse à ciel ouvert, soufflée par les bourrasques une fois le bateau lancé au large, enrubannée dans un fin voile de fumée odorante dispersé par les cheminées. 

Dans ces trajets, on enchaîne les balades sans but pour se captiver de la ville intérieure. Passer la porte coupe vent, pénétrer dans la grande carcasse métallique et climatisée du monstre. 

Cliquetis de couverts et de batteries de vaisselle aux restaurants en self service. Bruits de l’impolitesse des téléphones et des ordinateurs en haut parleurs. Il faut le dire, ces gens là méritent de la prison ferme. 

Se décevoir devant la boutique des souvenirs.  Longer les couloirs numérotés des chambres, apprivoiser l’odeur étonnante de la moquette usée, du linge propre et des matériaux en préfabriqué. 

Se perdre, changer d’étage, chercher une vue, un horizon s’il vous plaît.

Sur la terrasse, passé un stand de hot dog, piscine trouble dans laquelle les enfants s’égouttent ou font pipi. 

Le soleil d’été ne laisse personne à l’abri. Finalement, au long terme, peut-être vaut-il mieux se battre pour un fauteuil qu’une chaise-longue. Mais perchés 20 mètres au-dessus des eaux, le nez dans le vent, accrochés aux barrières qui nous séparent des canaux de sauvetage, on contemple la vaste mer qui s’étend, sans fin. Le vide, les vagues sombres, la courbe des écumes qui se cogne contre la tôle du bateau, ça nous attire. Si l’on plongeait, pour voir ? Ça doit être beau, l’immensité bleue à perte de repères. 

L’odeur du tabac à rouler nous éveille. Un vieux bonhomme vient souffler à l’allure son vieux cigarillo. Des jeunes sifflent des bières. On s’assoit, on prend un jeu d’otello, petites pièces noires et blanches, comme l’océan mélangé. Plus tard, on prendra des frites au self, une pietra au comptoir. Sortir un bouquin, regarder un film, le duvet sur la moquette d’une autre décennie. Tout est cheap. Mais il y a la madeleine de Proust de l’enfance. Monter dans un ferry pour la corse, la promesse des retrouvailles avec la famille en août. Des bagnoles colorées qui montent, les gens qui descendent, avec des glacières et des sacs à dos. Mêmes souvenirs. Mêmes déplacements. Mêmes clichés. Le temps a fait pause, rien n’a changé. Un jour peut-être, les bateaux seront électriques, ce sera mieux. Mais ils feront moins de bruit. Et de ces trajets pourtant, c’est leurs bruits que je préfère. 


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